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IMMOBILIER ET DROIT

20 février 2015

Marchés publics de travaux

Le régime juridique des marchés publics

 

1.      Caractère forfaitaire du prix

Le régime des marchés publics ne diffère pas fondamentalement de celui des marchés privés notamment en ce qui concerne le principe du caractère forfaitaire du marché lorsque ce mode de rémunération a été convenu entre le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur. Ce choix implique, pour le maître de l'ouvrage, de respecter les conditions de l'article 1793 du Code civil, notamment en ce qui concerne le critère du «plan arrêté et convenu».

Il faut toutefois signaler que la rémunération en régie [1] est plus fréquente dans les marchés publics. L'entrepreneur pouvant être rémunéré, par exemple, en fonction des mètres linéaires de bordure de trottoir qui auront été remplacés, ou des surfaces de revêtement routier réparées. Les clauses contractuelles prévoient en cette hypothèse, directement ou par renvoi aux dispositions du CCAG Travaux [2], les modalités du constat contradictoire des quantités effectivement mises en œuvre.

2.      Les travaux supplémentaires

a)      les travaux « utiles »

Le régime des travaux dits « utiles » est identique à celui des marchés privés. Il suppose une autorisation écrite du maître de l'ouvrage.

b)      Les travaux « indispensables »

-        Principe

Il s'agit d'un régime spécifique du droit des marchés publics de travaux. Ces travaux doivent être payés, y compris dans le cadre d'un marché à forfait, même en l'absence d'ordre de service, ou de décision de poursuivre. En outre, il n'est pas nécessaire de rapporter la preuve d'un bouleversement de l'économie du marché. L'entrepreneur doit néanmoins rapporter la preuve du caractère indispensable de ces travaux.

-        Incidence de la notion de « montant contractuel »

Si les travaux « indispensables » sont indemnisables, dans les conditions ci-dessus, en revanche les quantités supplémentaires de produits ne sont pas indemnisables tant que le montant contractuel des travaux n'est pas atteint.

-        Répartition des responsabilités

Il s'agit, par définition, de travaux non prévus au CCTP [3] et qui relèvent, a priori, d'une insuffisance de conception. Cette situation concerne par conséquent la maîtrise d'œuvre de conception, ce qui induit la possibilité d'un partage de responsabilité entre la maîtrise d'œuvre et l'entrepreneur au titre de son obligation de conseil. En revanche, la connaissance par l'entreprise du caractère indispensable de certains travaux, avant la remise de son offre, lui interdit de demander un supplément de prix. Comme précisé ci-dessus, la preuve du caractère indispensable incombe à l'entrepreneur.

-        Les travaux sur existants

L'entrepreneur doit exercer une vigilance accrue lorsque les travaux à réaliser portent sur des ouvrages anciens (rénovation lourde par exemple). Généralement les travaux à réaliser sont précédés de travaux préparatoires concrétisés par la mise en œuvre d'un curage préalable, les ouvrages concernés pouvant comporter de l'amiante. La question sera de déterminer si la présence d'amiante pouvait être constatée par l'entrepreneur. Dans l'affirmative le maître de l'ouvrage sera fondé à s'opposer au paiement de travaux supplémentaires au titre du  désamiantage par exemple, ce qui n'est pas sans conséquences en termes de coût. L'entrepreneur doit par conséquent :

  • être vigilant quant aux modalités de la      visite préalable qui peut prévoir ou non la possibilité de sondages      destructifs,
  • tenir compte de ses constatations dans la      rédaction de sa note méthodologique.

3.      Les sujétions imprévues

a)      Le principe

L'entrepreneur peut également obtenir une indemnité lorsqu'il rencontre des difficultés matérielles indécelables au moment de la signature du contrat. Le travail à réaliser est bien celui qui était prévu, mais à des conditions techniques plus onéreuses en termes de matériaux, techniques, de personnel etc.

L'appréciation de la notion de sujétions imprévues est effectuée, au cas par cas, la jurisprudence faisant une distinction entre les travaux intéressants le sous-sol terrestre et ceux intéressant le sous-sol fluvial ou maritime.

Ainsi dans un arrêt du 30 juillet 2003, le conseil d'État définit la notion de sujétions techniques imprévues la manière suivante : « difficultés matérielles rencontrées lors de l'exécution d'un marché, présentant un caractère exceptionnel, imprévisibles lors de la conclusion du contrat et dont la cause est extérieure aux parties. » À ces critères particulièrement limitatifs s'ajoute, en ce qui concerne le marché à forfait, le critère du bouleversement de l'économie générale du contrat, bouleversement dont la preuve doit être rapportée par l'entrepreneur.

L'entrepreneur sera particulièrement vigilant quant aux informations figurant dans le dossier de consultation des entreprises, les informations fournies par le maître de l'ouvrage pouvant avoir pour effet de lui interdire le recours à la théorie des sujétions imprévues.

b)      Le rôle de la note méthodologique

L'entrepreneur a le plus grand intérêt à décrire, dans sa note méthodologique, les techniques qu'il envisage de mettre en œuvre afin de pouvoir effectuer la comparaison entre ce qu'il a prévu (DGPF[4]) et ce qu'il est contraint de mettre en œuvre pour satisfaire à son obligation de résultat. En effet, l'indemnisation de l'entrepreneur va dépendre de sa capacité à se prémunir du risque, concrétisé par l'existence de difficultés techniques plus importantes que celles qu'il avait envisagé au stade du dépôt de son offre. Il aura la charge de rapporter la preuve qu'il n'avait pas la possibilité de se prémunir de ces difficultés en procédant, par exemple à des contrôles supplémentaires en amont. En cours d'exécution il prendra toujours la précaution de faire établir un constat contradictoire selon les modalités prévues par le CCAG Travaux [5].

Cette possibilité pour l'entrepreneur d'obtenir une compensation financière en présence de ce type d'événement, est spécifique au droit public alors qu'elle est exclue en droit privé. En effet le juge judiciaire refuse de modifier le contrat sauf clause d'imprévision dont la présence dans les contrats de droit privé est exceptionnelle, au moins en ce qui concerne les contrats nationaux.

 4) L'imprévision

Il s'agit de compenser, par le versement d'une indemnité, les conséquences des difficultés relevant de l'existence de circonstances économiques extérieures aux parties au contrat. Ce mécanisme jurisprudentiel permet d'indemniser, pour partie et pour une période déterminée, le cocontractant des conséquences d'un accroissement significatif et anormal des charges qu'il doit supporter.

La mise en œuvre de cette notion suppose également de rapporter la preuve d'un bouleversement de l'économie du contrat, dans des proportions qui se situent entre 5 et 10 %.

5.      Le « fait du prince »

Il s'agit d'apprécier les conséquences d'une modification de l'environnement légal des modalités d'exécution du contrat dont l'origine incombe au cocontractant de l'entrepreneur.

6.      La responsabilité contractuelle de la personne publique

En dehors des situations évoquées ci-dessus, lesquelles relèvent de la notion d'aléas, le maître de l'ouvrage peut être condamné à indemniser l'entrepreneur lorsque sa faute est à l'origine du préjudice. Il peut s'agir de l'inexécution d'une obligation qui incombe à la personne publique comme par exemple le délai dans lequel le maître de l'ouvrage doit donner un accord, faire retour de documents, ou réaliser un ouvrage préalable dont la charge lui incombe.

7.      Les retards d'exécution

a)      Le principe

Jusqu'à une époque récente, le maître de l'ouvrage était fréquemment condamné à supporter les conséquences d'un retard qui avait généré un préjudice dans le patrimoine de l'entrepreneur alors qu'en réalité la faute incombait à un autre entrepreneur. Cette jurisprudence est aujourd'hui obsolète puisque le conseil d'État a entendu revaloriser la notion de faute contractuelle imputable au maître d'ouvrage. Ainsi l'entrepreneur qui entend faire valoir un préjudice en raison d'une faute commise par un autre constructeur devra désormais rechercher la responsabilité des constructeurs sont le fondement de la faute, en l'espèce quasi délictuelle, les constructeurs étant pas lié par un contrat sauf lorsqu'ils sont constitués en groupement momentané d'entreprise.

b)      L'effet relatif du contrat

Il faut toutefois souligner que le conseil d'État, contrairement à la jurisprudence de la Cour de Cassation a posé une règle qui interdit aux tiers, à un contrat administratif, de se prévaloir des stipulations de ce contrat, à l'exception des clauses réglementaires. Cette jurisprudence, récente[6], qui entend mettre l'accent sur le mécanisme de l'imputation de la faute contractuelle, c'est-à-dire de la relation causalité entre le préjudice et le dommage, constitue par conséquent un obstacle à ce qu'un constructeur puisse se prévaloir, dans le cadre d'un contentieux relevant de la compétence des juridictions administratives, de l'inexécution des obligations contractuelles qui pèsent sur un autre constructeur, pour obtenir la condamnation de ce constructeur à l'indemniser du préjudice subi.

Faute de pouvoir se prévaloir des dispositions du contrat, l'action doit être fondée sur la responsabilité délictuelle, c'est-à-dire sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. Ce fondement juridique est celui à partir duquel la juridiction administrative procède à la répartition des responsabilités entre les constructeurs dans le contexte d'une action en responsabilité décennale, sous réserve que les constructeurs aient formalisé, dans le cadre du contentieux, des appels en garantie. Rappelons que dans ce cas de figure le contentieux met en présence une personne publique, maître de l'ouvrage et les différents constructeurs.

Dans l'hypothèse d'une action en responsabilité de droit commun qui trouve son origine dans les modalités d'exécution des marchés, la jurisprudence ci-dessus évoquée implique de s'interroger sur la compétence juridictionnelle s'agissant d'une action en responsabilité, en l'espèce quasi délictuelle, puisqu'elle intéresse  des relations entre des personnes privées qui ne sont pas liées par un contrat mais ont néanmoins participé à un travail public.

Un élément de réponse est apporté par la décision rendue par le conseil d'État le 5 juin 2013. Par cette décision, le conseil d'État précise, qu'à partir du moment où la responsabilité de la personne publique n'est pas susceptible d'être mobilisée, le constructeur, victime d'une faute contractuelle, commise par un autre participant au travail public, doit saisir la juridiction de l'ordre judiciaire (tribunal de grande instance ou tribunal de commerce) à l'instar du contentieux entre les membres d'un groupement momentané d'entreprises.

Dans un domaine différent qui est celui de l'occupation domaniale, le tribunal des conflits a, par une décision du 14 mai 2012, n° 3836[7], jugé que l'action introduite par un tiers à l'encontre d'une personne privée, par ailleurs contractuellement lié avec une personne publique, relève de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

Cette analyse me conduit par conséquent à opter pour la compétence de l'ordre judiciaire permettant de faire valoir la faute quasi délictuelle, assimilable à la faute contractuelle conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation, objet d'un arrêt de l'assemblée plénière du 6 octobre 2006[8].

8.      Conclusion provisoire

L'analyse du régime du marché à forfait, qu'il relève du droit privé ou du droit public, fait ressortir trois éléments essentiels qui méritent d'être soulignés afin de créer les conditions favorables à une exécution sereine du contrat.

Il s'agit :

  • objet du contrat : cette définition incombe      au maître de l'ouvrage,
  • traitement des difficultés : une démarche en      amont favorise l'émergence de solutions dans le climat de confiance      résultant de la phase « commerciale » et avant l'accumulation des «      non-dits »,
  • preuve des faits : la « bonne » preuve est celle      qui présente un degré d'objectivité suffisant, condition de sa prise en      considération par le juge en cas de contentieux, ce qui permettra de      l'éviter en ouvrant la possibilité d'un règlement amiable précédé par      exemple de la saisine du comité consultatif de règlement amiable des litiges [9].      La procédure administrative permet désormais de recourir à la technique de      la médiation, mode alternatif de règlement des litiges. La médiation peut      précéder la saisine du comité consultatif, elle sera plus pertinente lorsque      la décision du comité sera connue des parties.

Paris, le 16 février 2015

 

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7 février 2015

Réseaux de chaleur et charges locatives

Activité judiciaire

Un beau succès ![1]

Bail d'habitation : le Conseil constitutionnel a rendu, sur une Question Prioritaire de Constitutionnalité, une décision le 23 janvier 2015 déclarant conforme à la constitution l'article L. 442-3 du code de la construction et de l'habitation.

 Ainsi lorsque que l'achat d'énergie calorifique est effectué auprès d'un tiers fournisseur, les locataires, comme les propriétaires doivent désormais payer ce qu'ils consomment, intégralement, en vertu de l'article L. 442-3 du code de la construction et de l'habitation. Le prix payé englobant la totalité des coûts représentatifs de la production et de la distribution.

 Cette décision, particulièrement bien motivée a :

 -        d'une part pour effet de responsabiliser l'utilisateur,

 -        d'autre part sécurise, je l'espère pour longtemps, la position des bailleurs, notamment sociaux,

 -        et en outre préserve les équilibres économiques du secteur.

 Cette décision que j'ai obtenue à l'issue d'un processus judiciaire qui n'est pas encore terminé à ce jour, consacre un investissement de plus de 20 années, tant intellectuel que pratique dans le droit du chauffage urbain et ouvre un avenir particulièrement serein au développement des réseaux de chaleur, vecteur indispensable à la transition énergétique

 La contestation des locataires

 La décision du 23 janvier 2015[2] a été rendue sur trois QPC, identiques (Question Prioritaire de Constitutionnalité), posées par des personnes physiques, locataires de 3 bailleurs distincts, au soutien desquels l'USH (Union Sociale de l'Habitat - organisme fédérateur des OPH), a déposé un mémoire d'intervention, intervention admise par le Conseil. Trois autres bailleurs du secteur social sont également intervenus.

Ces locataires ont tenté de contester l'article 27 de la loi NOME[3], qui a modifié l'article L. 442 - 3 du code de la construction et de l'habitation[4] en ajoutant un dispositif destiné à compléter le texte existant. Le texte initial prévoyait uniquement la récupération intégrale des dépenses exposées par le bailleur, pour le compte des locataires, lorsque la prestation est réalisée dans le cadre d'un contrat d'entreprise.

L'ajout d'une mention au titre des achats de d'énergie calorifique, d'électricité, de gaz naturel combustible, distribués par réseaux, inclus par conséquent la notion de contrat de fourniture, c'est-à-dire le régime du contrat de vente, qui se distingue du précédent.

Il n'est pas inutile de souligner que le texte a été adopté dans le contexte de décision de la Cour de Cassation du 3 novembre 2009, arrêt qui avait fait droit aux demandes des locataires qui refusaient de rembourser au bailleur les postes relatifs à l'entretien et à l'amortissement de l'installation de distribution, s'agissant en l'espèce du réseau de chaleur concédée par la Ville de Paris à la CPCU.

Cette décision avait suscitée à l'époque plusieurs réactions de la part des acteurs du secteur ce qui m'avait d'ailleurs conduit à publier un commentaire dans la revue « OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES »[5].

L'enjeu de la contestation judiciaire

Les locataires contestaient aux bailleurs la possibilité de récupérer d'autres postes que celui correspondant à l'achat d'énergie en demandant au Conseil constitutionnel de constater que le texte générait une inégalité de traitement, en traitant de façon différente des locataires dont l'immeuble est raccordé à un réseau, et ceux dont le chauffage est assuré par une chaufferie interne, propriété du bailleur.

Pour les bailleurs, une telle demande, s'il était satisfaite aurait eu des conséquences économiques très importantes au regard du montant des dépenses exposées par les bailleurs pour les postes entretien et amortissement des installations qui appartiennent au fournisseur d'énergie.

Les bailleurs ont développé leur argumentation en faisant valoir que le dispositif législatif voté par le Parlement avait pour objectif d'appréhender des situations différentes, susceptible de faire l'objet d'un traitement différent, ce traitement différencié relevant d'un motif d'intérêt général qui est celui de la protection de l'environnement.

Le Conseil constitutionnel a validé cette argumentation.

La motivation du Conseil constitutionnel

Pour déclarer le texte de l'article L. 442-3, conforme à la constitution, le Conseil constitutionnel écarte l'ensemble des griefs formulés par les locataires, tant en ce qui concerne le principe d'une atteinte à l'égalité de traitement, que celui d'une atteinte à la liberté contractuelle, c'est-à-dire une atteinte aux contrats en cours.

Dans sa motivation, le Conseil constitutionnel relève que : « le principe d'égalité devant la loi n'impose pas que les règles de récupération des charges locatives pour les dépenses liées au chauffage soient identiques quel que soit le mode de chauffage retenu ; que les dispositions contestées incitent à recourir aux énergies de réseau dans un but de protection de l'environnement ; que la différence de traitement qui en résulte, s'agissant des charges que l'organisme d'habitations à loyer modéré peut récupérer auprès de ses locataires, est en lien direct tant avec une différence de situation qu'avec l'objectif d'intérêt général que le législateur s'est assigné ;… » (Considérant 8)

Le Conseil constitutionnel poursuit en indiquant qu'en modifiant le cadre légal applicable à la détermination des charges récupérables…, « Le législateur n'a pas porté atteinte aux conventions légalement conclues ;… »

Le texte est par conséquent applicable aux contrats en cours.

La portée de la décision

Il faut souligner que la décision fait référence à un motif d'intérêt général, tiré de la protection de l'environnement, ainsi cette décision a :

  • d'une part permet d'assurer le développement des réseaux chaleur, indispensable dans cette période de transition énergétique, et par conséquent favorable à l'utilisation des énergies renouvelables,
  • d'autre part sécurise la position des bailleurs, notamment sociaux, à l'égard de cette question dont l'importance économique a également été soulignée devant le Conseil constitutionnel, mais aussi des collectivités territoriales et des entités opérationnelles qui interviennent dans ce secteur.

Le développement des réseaux de chaleur

Au titre de la protection de l'environnement il est intéressant de noter que le texte voté par le Parlement ne fait pas explicitement référence à la notion de protection de l'environnement. En revanche les débats parlementaires ont montré que législateur a entendu satisfaire à différentes exigences, résultant notamment des directives européennes.

En droit national, les objectifs de l'Union Européenne se sont déjà traduits notamment par les lois Grenelle I et II, et seront en outre réaffirmés par la loi sur la transition énergétique qui sera en discussion devant le Sénat au mois de février prochain.

La référence à la protection de l'environnement constitue un critère important lorsqu'il s'agit d'arbitrer entre l'utilisation d'énergies fossiles, l'utilisation d'énergies renouvelables comme la biomasse, la méthanisation, la géothermie, l'utilisation d'énergies dites « fatales », c'est-à-dire résultant d'un processus industriel de production générant de l'énergie.

Il s'agit le plus souvent d'énergies dites « difficiles » qui nécessitent un savoir-faire et une infrastructure technique que seule la production et la distribution par réseau rend accessible.

La transition énergétique

La préoccupation environnementale, critère du motif d'intérêt général, qui constitue le fondement juridique à la décision rendue par le Conseil constitutionnel donne toute sa portée aux mécanismes opérationnels qui vont être mis en œuvre à travers la loi sur la transition énergétique.

Toutefois il ne faudrait pas que la baisse récente du pétrole est pour effet d'affaiblir les objectifs des lois Grenelle I et II, et du processus de transition énergétique qui fait l'objet du projet de loi qui sera en discussion, au mois de février prochain, devant le Sénat après son adoption par l'assemblée nationale.

Cet écueil peut à mon point de vue être surmonté par une politique d'affichage de la réalité des prix et notamment du coût des émissions dans l'atmosphère du dioxyde de carbone, par ailleurs objet des quotas attribués dans le contexte de la réglementation applicable.

Ainsi l'objectif à atteindre consiste, pour effectuer une comparaison ayant du sens, en termes de protection de l'environnement, à comparer le prix des énergies renouvelables avec le prix des énergies fossiles en incluant dans ses dernières le coût du carbone émis dans l'atmosphère c'est-à-dire le coût environnemental issu de l'autorisation d'émettre des gaz à effet de serre.

Paris, le 30 janvier 2015



[1] Il s'agit de la formule utilisée par l'une des parties que je représentais devant le Conseil constitutionnel.

[2] QPC 2014-441, 442,443 - décision accessible sur le site du Conseil constitutionnel

[3] Loi numéro 2010 - 1488 du 7 décembre 2010 (consultables sur LEGIFRANCE)

[4] Voir le site de LEGIFRANCE

[5] Accessible sur mon site Internet :www.jmseevagenavocat.com - (TEMPÊTE SUR LES CHARGES RÉCUPÉRABLES)

28 mars 2014

le marché à forfait : du juridiquement juste à l' économiquement injuste

Le prix forfaitaire : à tout prix ?[1]

Le caractère forfaitaire du marché de travaux résulte de la fixation préalable de son prix, de façon globale, par référence à la notion de « bâtiment » et de « plan arrêté et convenu ». Selon les dispositions de l'article 1793 du Code civil[2], le plan arrêté et convenu correspond aujourd'hui au descriptif, c'est-à-dire aux documents techniques qui procèdent à la description des ouvrages à réaliser, document souvent associé, soit au quantitatif estimatif, soit à la décomposition globale des prix forfaitaires (DGPF). Ces documents détaillent, par type d'ouvrage, le prix global et forfaitaire, mais ne sont pas contractuels. Ils ont uniquement pour objet de déterminer le montant des situations intermédiaires correspondant aux acomptes versés au fur et à mesure de l'exécution de l'ouvrage, selon la périodicité contractuellement convenu.

Le marché peut être actualisé ou révisé, ce n'est pas l'objet du présent commentaire.

Si dans le domaine des travaux neufs, les difficultés sont moins fréquentes[3],  en revanche les travaux de rénovation sont une source d'importantes difficultés dont le traitement contentieux laisse généralement l'entreprise insatisfaite lorsqu'elle ne peut prétendre, pour des raisons juridiques, à une rémunération juste et complète de l'ensemble des travaux qu'elle a réalisés, alors que sa demande est économiquement justifiée. Tous les travaux ne relèvent pas du marché forfaitaire, ainsi les travaux de terrassement, d'aménagement intérieur, la construction d'ouvrages autres que des « bâtiments », comme la construction d'un parking, de voies d'accès, ne relèvent pas de la notion de marché à forfait. En revanche, des travaux de traitement de l'amiante, des travaux d'aménagement d'un magasin, relèvent de la notion de travaux de « bâtiment »[4]. Le caractère forfaitaire conduit l'entreprise à prévoir dans son prix la prise en compte d’un aléa inhérent au marché à forfait. Mais l'entrepreneur doit mesurer l'importance de l'aléa qu'il prend en compte afin de rester commercialement compétitif.

Cependant, l'existence d'un prix forfaitaire conduit, bien souvent, le client, maître de l'ouvrage, a considérer qu'il dispose d'un droit de tirage illimité sur l'entreprise qui doit absorber l'ensemble des coûts inhérents à la réalisation de l'ouvrage, juridiquement considéré comme une obligation de résultat, laquelle est le plus souvent techniquement réalisable, mais dans certaines hypothèses à un coût très supérieur à celui que l'entrepreneur a proposé lors de la signature du contrat.

J'écarte d'emblée, la sous-évaluation de l'entrepreneur qui se trompe sur les quantités, les surfaces, le coût des matériaux, de la main-d'œuvre, alors que l'ouvrage à réaliser n'est pas modifié pendant sa réalisation.

En revanche, mon interrogation porte sur la différence de traitement, réelle ou supposée, qui existe entre l'appréciation, par les juridictions administratives et par les juridictions de l'ordre judiciaire, des conséquences de travaux non prévus à l'origine.

Je propose par conséquent quelques éléments de réflexion, sur l'essence même du prix forfaitaire interdisant de demander une augmentation de prix (main-d'œuvre ou matériaux) lorsque la construction du bâtiment intervient à partir d'un « plan arrêté et convenu ».

Histoire de l'article 1793 du Code civil

Le commentaire du Code civil par Raymond - Théodore TROPLONG[5] permet de constater que ce texte (inchangé depuis sa promulgation), trouve son origine dans la nécessité de réagir aux abus des entrepreneurs, confondus à l'époque avec les architectes, lesquels, sous prétexte d'une modification, parfois mineure de l'ouvrage à réaliser, en profitaient pour augmenter de façon inconsidérée le prix, bien souvent pour masquer une insuffisance d'évaluation initiale.

Le texte a donc été édicté dans le but de protéger le maître de l'ouvrage, (prémices de la notion de protection du consommateur). Mais le maître d'ouvrage est loin d'être toujours un «consommateur». Bien souvent il s'agit d'un professionnel de l'immobilier parfaitement rompu à la technique de l'évaluation du coût des travaux, compétence qu'il maîtrise puisqu'il est en charge de l'investissement.

Pour autant, la présence d'un maître d'ouvrage professionnel ne dispense pas l'entrepreneur de la rigueur nécessaire quant à l'évaluation du coût des travaux, objet de sa proposition « commerciale », qui va se concrétiser dans un contrat / acte d'engagement comportant un prix forfaitaire pour la réalisation d'un ouvrage selon un « plan arrêté et convenu ».

La notion de travaux supplémentaires

L'article 1793 du Code civil s'appliquant aussi bien aux marchés de droit privé, qu’aux marchés de droit public, la définition des travaux supplémentaires est identique dans les deux régimes. Il s'agit de travaux qui ne sont pas compris dans le forfait, qui débordent en quelque sorte du plan arrêté et convenu, c'est-à-dire du descriptif.

La question qui va se poser est de déterminer si le travail non prévu relève de la notion de supplément, ou si au contraire ce travail non expressément décrit dans les documents contractuels, suppose, pour sa réalisation, un ordre de service de la part du maître d’ouvrage. Agrandir une fenêtre relève du travail supplémentaire, augmenter l'épaisseur d'un mur afin de respecter les règles de l'art, doit a priori être considéré comme faisant partie du forfait initial.

En effet, l'entrepreneur est débiteur d'une réalisation conforme aux règles de l'art ce qui implique à la charge de ce dernier de déterminer avec le plus de précision possible les quantités de matériaux à mettre en œuvre pour chaque poste du descriptif, et les temps de main-d'œuvre nécessaires à la réalisation de chaque élément de l'ouvrage. L'entrepreneur est souvent invité à procéder à une visite des lieux lui permettant de se faire une idée plus précise de l'ampleur des travaux à réaliser, souvent du résultat attendu par le maître de l'ouvrage. Ainsi, des travaux ayant pour objet de procéder au désamiantage des éléments de structure d'un immeuble, considéré comme relevant de la notion de « bâtiment », sont appréhendés par le maître de l'ouvrage en fonction du résultat final : le désamiantage intégral, conforme aux règles de l'art et à la réglementation applicable, des ouvrages sur lesquels porte le marché. Peu importe en réalité la définition initiale, en termes de quantité, si elle ne correspond pas à la réalité constatée sur le site, sous réserve d'une définition suffisamment précise de l'objet du contrat par référence à la notion de « plan arrêté et convenu »[6].

Ainsi, l'entrepreneur n'obtient pas satisfaction lorsque la sous-évaluation n'est pas imputable au maître de l'ouvrage, alors qu'il avait la possibilité de visiter les lieux. Un recours partiel est néanmoins envisageable à l'encontre du maître d'œuvre avec un partage de responsabilités[7].

La protection du maître de l'ouvrage, instaurée par l'article 1793 du Code civil, est encore affirmée lorsqu'il est constaté que l'établissement d'un prix forfaitaire a été effectué à partir d'une estimation quantitative proposée par l'entrepreneur, sans réserves, une cour d'appel relevant l'impossibilité juridique de sortir du forfait tout en constatant, d'un point de vue économique, « que la réclamation de l'entrepreneur pouvait apparaître justifiée ».[8]

L’établissement de l'éviction du forfait est à la charge de l'entrepreneur lequel doit, pour obtenir gain de cause, rapporter la preuve du bouleversement de l'économie générale du marché.

De l'aléa au bouleversement

Le  contrat d'entreprise étant un contrat aléatoire, il est admis que l'entrepreneur assume un risque, concrétisé par la nécessité de mettre en œuvre des quantités supérieures à celles qu'il avait initialement prévues, de faire face a l'augmentation du coût de la main-d'œuvre, ou d'être dans la nécessité de mobiliser davantage de personnel pour respecter les délais, par exemple.

La difficulté réside dans l'appréciation d'une situation de fait qui s'apprécie en fonction du contexte. Ainsi une demande de travaux supplémentaires, pour un montant représentant par exemple 80 % du montant initial du marché, ou correspondant à un changement dans la nature et le coût des travaux, permet d'envisager une dénaturation du caractère forfaitaire du prix.

Le bouleversement doit émaner du maître de l'ouvrage. Ainsi, la situation rencontrée par l'entrepreneur, très différente de celle qu'il a envisagée au moment de l'établissement de son offre, n'est pas, en principe, susceptible de donner lieu au paiement de travaux supplémentaires. Le contrat étant aléatoire, il appartient à l'entrepreneur de réduire cet aléa en procédant à des vérifications complémentaires, notamment lorsqu'il s'agit de l'implantation au sol, travaux qui réservent généralement des surprises, désagréables.

Dans le régime des marchés publics, la jurisprudence administrative admet, au profit du titulaire, la prise en compte d'obstacles naturels exceptionnels lesquelles relèvent d'un régime particulier, celui des sujétions imprévues, qui n'a pas son équivalent en droit privé. Toutefois, l'existence de sujétions imprévues impose, en outre, à l'entrepreneur de rapporter la preuve du bouleversement de l'économie générale du contrat.

Cette différence de régime public / privé peut-elle se réduire ? Un arrêt de la Cour de Cassation de 1995, pourrait le laisser entrevoir, mais l'examen de la décision me conduit à réfuter l'analyse de l'auteure de l'article[9].

En effet, la Cour de Cassation[10] rejette le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel qui a condamné le maître de l'ouvrage au paiement de travaux correspondants à des sujétions imprévues. Mais la Cour de Cassation prend le soin de viser expressément le cahier des clauses administratives générales (document qui fait la loi des parties), en relevant que l'entrepreneur avait contractuellement la possibilité de demander un dédommagement pour sujétions imprévues. Il s'agit par conséquent d'un arrêt d'espèce dont aucune conclusion générale ne peut être tirée.

En revanche, l'initiative du maître de l'ouvrage qui modifie les travaux, en demandant une réalisation très différente de celle qui avait été contractuellement convenue ou qui impose à l'entrepreneur des modifications nombreuses et successives, relèvent de la notion de bouleversement qui ouvre la porte à l'indemnisation.

Le bouleversement de l'économie du contrat

L'indemnisation des travaux réalisés hors forfait, suppose, pour l’ensemble des marchés, de faire la preuve complémentaire d'un bouleversement de l'économie du contrat. Alors que les travaux supplémentaires, relevant de travaux « indispensables » par définition non compris dans le forfait d'un marché de travaux publics, sont indemnisables sans qu'il soit nécessaire de rapporter la preuve d'un bouleversement.

Les solutions juridiques étant intimement liées aux situations d'espèces, puisqu'il s'agit d'apprécier ce qui relève, ou ne relèvent pas du forfait, il est difficile de donner des conseils « généraux ». Néanmoins, dans la perspective d'éviter un contentieux, une importance toute particulière doit être attachée à la notion de preuve.

Les acteurs d'une opération immobilière ne devraient-ils pas gérer leur dossier en fonction du contentieux susceptible de survenir ? C’est à partir du moment où commence à se faire jour un certain flottement au stade de l'exécution des travaux, où apparaissent des demandes pressantes de la maîtrise d'ouvrage qui souhaite le démarrage des travaux alors que par exemple, hypothèse d'école?, les plans d'exécution ne sont pas totalement arrêtés, que l'entrepreneur doit être extrêmement méfiant et prendre des précautions. De même, le maître d'ouvrage qui très rapidement fait l'objet de demandes de travaux supplémentaires, doit s'interroger sur la qualité de la conception et sur la pertinence des offres des entreprises. De même des comptes-rendus de chantier qui montrent que les entreprises font des observations un peu surprenantes, auquel la maîtrise d'œuvre répond de façon insuffisante ou maladroite, traduisent un climat qui ne paraît pas très satisfaisant. Cette situation doit conduire le maître de l'ouvrage à envisager, si nécessaire une mise à plat. La désignation d'un tiers qui fera un audit de l'opération permettra de proposer la signature d'un avenant, qui certes augmentera, la plupart du temps, le coût initial de l'opération, mais permettra de réaliser des économies substantielles puisque la signature d'un avenant, rappelons-le, purge l'antériorité.

Rappelons que le contenu du plan arrêté et convenu doit être suffisamment précis de la part du maître de l'ouvrage. En pratique c'est un document qui est établi par le maître d'œuvre. Il est recommandé au maître de l'ouvrage d'écouter les conseils de son maître d'œuvre, en portant à la connaissance des entreprises consultées le maximum d'informations leur permettant de chiffrer en toute connaissance de cause. Le maître d'ouvrage n'a aucun intérêt à jouer de l'ambiguïté, et doit avoir présent à l'esprit que son objectif est de mettre en exploitation l'ouvrage dans les délais contractuels convenus, quel que soit le mode d'utilisation envisagée, à partir de données financières réalistes. Plus l'entrepreneur est informé, moins il pourra se prévaloir d'une incertitude, ou d'une suffisance de définition du plan arrêté et convenu, le caractère complet du dossier de consultation permettant au maître de l'ouvrage de satisfaire son obligation d'information à l'égard de l'entrepreneur dont il aura retenu l'offre dans le cadre de la consultation des entreprises.

On pourrait évoquer que les conventions s'exécutent de bonne foi, ainsi que le rappel l'article 1134 du Code civil. Toutefois, il semble que la référence à cette disposition soit insuffisante pour permettre à l'entrepreneur, relevant d'un régime de droit privé, d'être rémunéré de la totalité des travaux qu'il exécute.

Dans les marchés privés et/ou publics, les entrepreneurs ont la possibilité d'émettre des réserves au moment de la remise de leur offre, les réserves constituant le premier sésame qui leur permettra de justifier le bien-fondé de leur demande de rémunération de travaux supplémentaires relevant, soit d'une insuffisance du plan arrêté et convenu, pourvu qu'il émane d'un tiers, soit des notions de droit public évoqué ci-dessus : travaux indispensables ou sujétions imprévues.

Dans la pratique, il est parfois difficile à l'entrepreneur d'émettre des réserves au moment de la signature du marché. Néanmoins il peut toujours en émettre, au moins pour poser un jalon lors de l'installation de chantier, en constatant des réalités qui n'étaient pas nécessairement apparentes au moment de la visite des lieux, le plus généralement imposée par le maître de l'ouvrage aux entreprises candidates à l'exécution des travaux.

Dans les marchés relevant du régime de droit public, le conseil d'État admet la possibilité pour l'entrepreneur d'être indemnisé des travaux non compris dans le forfait dans des situations distinctes, mais en réalité très proche : en présence de sujétions imprévues, devant la nécessité de procéder à des travaux considérés comme indispensables.

Ces notions seront évoquées dans la prochaine publication de ce blog.

Paris, le 28, mars 2014

 

 

 

 

 

 



[1] 1ére partie

[2] Accessible sur Légifrance

[3] Sous réserve de l'implantation au sol et de la nécessité de réaliser des fondations différentes de celles prévues

[4] Cour d'appel de Versailles 4e ch., 26 septembre 2005

[5] Jurisconsulte français, président du Sénat sous le second empire (1795 - 1869)

[6] Pour une illustration : Cour d'appel de Paris, 6éme ch., 6 décembre 2013, n° 10/21 185. Dans cet exemple, le maître d'ouvrage n'obtient pas satisfaction en présence d'un plan arrêté et convenu insuffisant.

[7] Cour d'appel de Nîmes chambre commerciale 2, section 2, 17 novembre 2011 n° 09/0 4479

[8] Cour d'appel de Paris Pôle 4, ch.6, 13 juin 2011 n° 09/0943

[9] Construction Urbanisme, n° 4 du mois d'avril 2003, chron. 4, « La remise en cause du prix par les sujétions imprévues : oui, mais… . Par Corinne Samson.

[10] Cass., 4 mai 1995, pourvoi numéro 93 - 15 557

31 janvier 2014

Editorial de lancement

Bonjour,

Mon projet est de communiquer sur un savoir-faire en expliquant la règle de droit et sa mise en œuvre concrète dans le domaine de l'immobilier privé et public. Le droit immobilier recoupe de multiples facettes de ce secteur économique particulièrement important pour l'activité du pays.

Mon activité dominante concerne plus particulièrement  la construction, notamment les marchés de travaux, essentiellement dans leur phase d'exécution, déterminante des résultats économiques de l'opération : gain ou perte pour l'entrepreneur ; équilibre général de l'opération pour l'opérateur privé, respect du budget initial pour le maître d'ouvrage public. Je suis, par ailleurs, spécialisé dans le droit des réseaux de chaleur et de froid, public et privé. S’agissant d’une activité de niche, elle mobilise outre des connaissances juridiques, des connaissances techniques sur les modalités de production,(installation primaire) et de distribution de la chaleur (calories) et de froid (frigories) par réseau, et de ses modes de gestion.

L'actualité judiciaire, dans tous les domaines, est à la fois foisonnante, subtile, parfois déroutante, y compris pour le juriste. Interrogé par son entourage sur les décisions commentées dans les médias, il a parfois du mal à faire comprendre la décision perçue comme injuste socialement, alors que parallèlement elle est juridiquement fondée, par référence à la règle de droit qui a été appliqué par la juridiction.

Décalage entre l'idée de justice et le droit ?

Rendre la justice suppose d'appliquer une règle de droit à une situation de fait, dont le juge tire, avec l'aide essentielle de l'avocat, les faits pertinents, ceux susceptibles d’être juridiquement qualifiés. Ainsi le juge - par exemple lors de la signature d'un contrat - accepte de sanctionner les vices du consentement lorsqu’ils sont prouvés, mais refuse de prendre en compte l'état dépressif du signataire en considérant qu'une telle prise en compte serait une source évidente d'insécurité juridique.

Le recours au juge, autrement dit le contentieux, serait par conséquent réducteur, en ce qu'il opère un tri, entre les faits tels qu'ils sont perçus par le justiciable qui demande justice et entend faire valoir « son bon droit » et les acteurs de l’institution judiciaire c'est-à-dire concrètement, les juges ou magistrats et les avocats. Ainsi, le contentieux a pour effet de déposséder en partie le justiciable de son litige puisqu'il ne sera entendu que sur certains éléments, ceux à partir desquels il est possible de poser une règle de droit et par conséquent de trancher le litige à partir d'un degré d'objectivité suffisant.

Cette situation est loin d'être toujours satisfaisante pour le justiciable, la décision rendue pouvant être une source de frustration. Outre l'existence d'un véritable aléa judiciaire (incertitude quant à l'orientation juridique de la décision à venir), l'appréciation de la situation de fait, subjective, même si elle tend à l'objectivité et à la neutralité, ce qui n'est pas contestable de la part des magistrats français, constitue une deuxième source d'aléa. Ainsi l'effet réducteur du contentieux judiciaire montre la limite de l’institution quant à ses possibilités de rééquilibrage de la vie sociale.

En effet, la décision de justice ne règle pas fondamentalement la difficulté, en ce sens que, si la justice est « rendue », elle l'est certes, d'un point de vue social, mais qu'en est-il dans le for intérieur de chacun, et notamment dans le ressenti de la victime, qui obtient une réparation financière, laquelle a vocation à réparer les préjudices subis. Les dommages et intérêts peuvent-ils réparer la blessure personnelle que la victime continuera d'éprouver ?

Ce déséquilibre se constate, non seulement lorsqu'il y a eu atteinte à l'intégrité de la personne dans le contexte d'une procédure correctionnelle pour coups et blessures par exemple, mais également dans des domaines où l'on pourrait imaginer que la décision judiciaire efface le ressenti, alors que l'expérience montre qu'il n'en est rien. Perdre son procès est parfois vécu comme étant une occasion de revanche, montrant ainsi que le litige qui opposait les parties, laisse une trace profonde qui manifestement ne concourt pas à la sécurité des relations entre les individus, y compris dans leurs relations économiques.

Il est donc indispensable de repenser la vocation du contentieux. Aujourd’hui, deux modes alternatifs de règlement des litiges peuvent être proposés aux justiciables : la médiation et la procédure participative qui s'inspire du droit collaboratif, importé des pays anglo-saxons, techniques qui ont désormais leur place dans le code de procédure civile.

Le caractère totalement confidentiel des échanges qui s'instaurent entre les parties dans le contexte de ces modes alternatifs de règlement des litiges est un puissant vecteur de résolution des conflits. Il permet aux parties en présence, avec le concours des avocats, d'examiner un litige sous toutes ses facettes en prenant en compte des éléments qui peuvent apparaître comme périphériques, c'est-à-dire non pertinents dans le contexte d'un contentieux judiciaire, mais qui, en réalité, relèvent de l'histoire des relations entre les individus. Cet historique, pris en compte, permet de purger efficacement le litige qui oppose les parties en leur permettant d’envisager un avenir commun.

Ces techniques supposent, outre une formation spécifique, un savoir être, essentiel, qui est très différent du comportement « habituel » de l'avocat. Ce dernier va écouter attentivement, avec le client qu'il assiste, les mots de l'autre partie, lesquels seront reformulés par le médiateur, dans la médiation, ou l'avocat dans le processus collaboratif. Exercice qui a pour effet immédiat de fragiliser les positions initiales, mais pour conséquence, par l'écoute de l'autre, d'ouvrir le champ, donc un espace de solutions parfois insoupçonnées des parties en présence.

Néanmoins, le recours à l'institution judiciaire est dans certains circonstances indispensable : lorsqu'il faut interpréter un texte, faire sanctionner un comportement inadmissible sur le plan social, comme ne pas respecter ses engagements contractuels, avoir un comportement qui relève d'un délit pénal, de la délinquance en col blanc aux incivilités quotidiennes.

Le recours à l'institution judiciaire implique une mobilisation des auxiliaires de justice, c'est-à-dire de l'avocat dont le rôle est essentiel puisqu'il a pour mission de constituer le dossier qui sera soumis à la juridiction et d'articuler son argumentation en fonction de l'évolution de la jurisprudence c'est-à-dire des décisions de justice qui sont rendues dans telle ou telle matière.

L'avocat, auxiliaire de justice doit répondre à l'exigence judiciaire quant au montage du dossier sur le plan des faits : la manière d'élaborer la charge de la preuve, d'articuler les moyens de droit avec la situation de fait afin de donner au juge, qui aura à trancher, les éléments nécessaires en respectant l'obligation de concentration des moyens désormais imposés par la Cour de Cassation.

Au-delà de l'aspect juridique, l'appréhension juste et complète des faits implique pour l'avocat une immersion dans le métier du client afin de pouvoir expliquer concrètement la réalité d'une situation en allant au-delà de l'utilisation de concepts, ou d'un vocabulaire, pour permettre à la juridiction d'appréhender les faits pertinents, à partir desquels la décision sera rendue.

Faire la part entre ce qui relève nécessairement du contentieux, de ce qui peut relever d'un mode alternatif de règlement des litiges, ou d'une phase de véritable négociation en utilisant une technique de négociation appropriée, constitue le fil conducteur d'un objectif qui se veut au service du justiciable, afin de mettre à sa disposition les outils lui permettant de sécuriser son activité par une démarche qui doit intervenir en amont afin de privilégier la valeur ajoutée du conseil.

 

Je propose de rédiger des articles qui seront essentiellement pratiques, l'objectif étant de traduire de façon concrète et opérationnelle le sens des décisions de justice commentées, afin de faire ressortir l'apport de la jurisprudence en ce qu'elle nécessite une modification des comportements, au sens large, lesquels se concrétisent dans la technique de rédaction des contrats, des échanges de lettres, notamment dans la phase précontractuelle, dans la rédaction des préambules des conventions et de leurs avenants.

 

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Les thèmes retenus dans un premier temps sont les suivants :

  • Les marchés à forfait : droit public et droit privé,
  • Réparation du dommage travaux public.

 

 

 

 

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  • Avocat au barreau de Paris. Spécialisation: construction, montages immobiliers, secteur privé et public, expertise judiciaire. Garanties (VEFA). Chauffage urbain public, privé. Diffusion information, prospective , analyse des besoins, conseils pratiques.
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